Tu as pu découvrir dans le numéro de décembre le récit gagnant de l’édition 2020 du concours Mots d’elles : le texte de Juliette, consacré à Frida Kahlo. Il y a deux autres gagnantes, dont tu vas pouvoir lire les textes sur Juliemag. Voici le récit de Louise, 12 ans, autrice du texte sur Katherine Johnson : « J’ai montré aux autres que je valais autant qu’eux ».

Louise, 12 ans

Louise

Pratique : la natation, la danse Bollywood.
Aime : cuisiner (surtout les pâtisseries), lire (surtout les romans fantastiques).

« J’avais déjà participé l’année dernière avec un texte sur Cléopâtre. Mais j’aime bien les défis, alors j’ai retenté ! Je ne connaissais pas Katherine Johnson, mais j’ai trouvé sa vie intéressante. J’ai fait des recherches sur Internet, visionné des vidéos. J’ai tout écrit d’un coup : j’ai commencé à écrire tard le soir, je me suis couchée, mais je pensais à la suite de mon texte, alors je me suis relevée. Ensuite, j’y ai retravaillé pendant 2 mois. »

 

Katherine Johnson : Le jour où j’ai montré aux autres que je valais autant qu’eux.

katherine johnson

Je m’avance prudemment, mon cœur bat la chamade. Je ne suis qu’une mathématicienne parmi d’autres, à la NASA. Est-ce vraiment John Glenn qui m’appelle ? Est-ce vraiment ce grand astronaute s’apprêtant à partir pour le premier vol en orbite autour de la Terre qui me demande ? Que me veut-il ? Ai-je fait une erreur ? Les battements de mon cœur s’intensifient encore.

« Mme Johnson, voulez-vous bien venir ? J’ai besoin de vous parler. »

C’est bien moi qui suis sollicitée, moi, Katherine Johnson, femme de couleur noire vivant dans un pays tolérant la discrimination.

Il est là, debout, face à moi, cet homme qui sera bientôt dans l’espace. Mais que me veut-il donc ? J’avance. Des regards se posent sur moi, certains admiratifs, d’autres curieux et certains, remplis de haine !

Je reconnais des visages, certains qui m’ont autrefois barré la route quand je n’étais qu’une petite mathématicienne dans l’autre bâtiment, réservé aux Noirs, juste bonne à vérifier des calculs à longueur de journée. Un fond de colère s’empare de moi.

Ces regards ne me font pas peur, ils ne m’ont jamais fait peur. Je suis bien décidée, s’il le faut, à me battre pour ce que j’aime et pour devenir la personne que je veux être.

Qu’importent tous les préjugés, qu’importe ce que pensent ces gens. Ce n’est pas parce que j’ai une couleur de peau différente que je vaux moins qu’eux. J’espère qu’un jour on se souviendra de moi comme d’une femme battante et grande mathématicienne, et non pas uniquement comme d’une femme noire au 20e siècle. J’ai l’espoir que cette Amérique raciste changera.

Toutes ces pensées me redonnent du baume au cœur et je marche maintenant avec une démarche assurée. Je regarde John Glenn dans les yeux, des yeux intelligents et décidés, en me demandant ce qu’il s’apprête à me demander.

« Mme Johnson, je refuse de partir en mission tant que vous n’aurez pas vérifié tous les calculs déterminant la trajectoire de la mission Mercury-Atlas 6 déjà réalisés par nos machines. Je le répète : je ne partirai pas tant que tous les calculs n’auront pas été vérifiés de la main de Mme Johnson, dit-il en regardant l’assemblée. Je compte sur vous, j’ai confiance. »

Il dit ces derniers mots en s’adressant à moi, en me regardant dans les yeux. Ces mots résonnent encore dans ma tête. Une immense joie s’empare de moi. Il me fait confiance, John Glenn me fait confiance. Je ne dois surtout pas le décevoir.

Un petit « merci » sort de ma bouche après avoir entendu ces mots. Il y a encore ces regards qui maintenant semblent dire : « Pourquoi elle, pourquoi c’est à elle que John Glenn a demandé de vérifier ces calculs, ces calculs sur lesquels il reposera sa vie quand il partira dans l’espace ? »

Je descends les marches, encore émue, pour aller dans mon bureau retrouver ma calculatrice et passer encore de longues heures à faire des vérifications. Mais ce n’est pas un problème, j’aime les mathématiques. Et j’ai réussi l’impossible : vivre des mathématiques en étant une femme noire en Amérique. J’ai eu la chance de pouvoir y faire une scolarité complète.

Malheureusement, beaucoup d’enfants noirs sont obligés d’arrêter leurs études vers l’âge de 9-10 ans. C’est scandaleux ! J’arrête de penser à tous ces souvenirs et je commence mon travail, certaine que cette journée restera dans ma mémoire pour encore longtemps.

Épilogue

Katherine Coleman Goble Johnson est née en 1918 et morte en 2020 à l’âge de 101 ans. Elle est une mathématicienne et astrophysicienne américaine. Travaillant pour la NASA, elle a participé aux programmes spatiaux américains en calculant notamment la trajectoire du programme Mercury-Redstone 6, Mercury-Atlas 6 et de la mission Apollo 11 vers la Lune. Elle reçoit en 2015 la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute décoration civile des États-Unis, par Barack Obama.