Tu as pu découvrir dans le numéro de décembre le récit gagnant de l’édition 2022 du concours Mots d’elles : le texte de Nina, consacré à Nicole Girard-Mangin. Il y a deux autres gagnantes, dont tu vas pouvoir lire les textes sur Juliemag.

Voici le récit de Daphné, 11 ans, autrice du texte sur Clarisse Agbégnénou, « Le jour où j’ai su que j’étais enceinte ».

 

Daphné pratique : la danse, classique et modern jazz.

Elle aime : lire (journaux intimes, romans et BD de magie), écrire des histoires.

« En décembre dernier, j’avais vu dans mon Julie les résultats du concours 2021 et je m’étais dit que je participerais au prochain. En avril, quand j’ai vu les femmes proposées, j’ai tout de suite choisi de parler de Clarisse, car elle est antitabou, et c’est important. J’ai lu des articles de journaux sur elle. Et puis, j’ai eu un petit frère en mai, alors ça m’a donné envie d’écrire sur ça ! Quand j’écris des histoires, d’habitude, elles parlent de magie (j’aime bien Harry Potter). J’ai aussi un journal, mais je n’ai pas trop le temps de l’écrire, à cause des devoirs… »

« Le jour où j’ai su que j’étais enceinte »

Le jour où j’ai su que j’attendais un enfant, mille pensées se sont bousculées dans ma tête ! Une image m’est venue instantanément : moi, petite prématurée, opérée dès sa naissance, passant sept jours dans le coma, et que rien ne semblait prédestiner à un tel avenir. On aurait pu croire que je partais avec une longueur de retard, bien qu’arrivée justement trop vite…

Aujourd’hui, je suis la preuve vivante que tout le monde a sa chance s’il s’en donne les moyens. Je veux que mon enfant grandisse en sachant cela. Je suis d’ailleurs très fière d’être la marraine et ambassadrice de l’association SOS Préma ! Je compte bien être à la hauteur de ce rôle et j’espère tant inspirer des enfants ayant eu un début de vie compliqué comme le mien.

Quand j’ai appris que cet enfant était une fille, c’est une nouvelle image qui s’est dessinée dans ma tête : la toute jeune Clarisse, honteuse, au kimono taché du sang de ses règles. Cette honte, hors de question de la transmettre à ma fille… D’ailleurs, ce tabou des règles, je suis bien décidée à l’envoyer au tapis ! C’est bien pour cela que j’en parle sans gêne et que je collabore avec une marque de culottes menstruelles. Quand ma fille aura ses premières règles, je lui expliquerai que, les règles, ce n’est ni honteux ni sale, que cela veut simplement dire que l’on grandit et que le corps va bien. Ce n’est pas toujours facile à gérer au début, mais je serai là pour l’aider et pour l’écouter. Je pense beaucoup en ce moment à cette période de l’adolescence, à tous ces changements qui peuvent nous déstabiliser, car mon corps à moi aussi change ces derniers mois, et c’est fascinant !

Plus le temps passe, plus la rencontre avec ma fille approche et plus je me sens forte. Je veux lui transmettre cette force et cette détermination qui m’ont portée à chaque compétition, à chaque moment où j’ai pu penser que c’était dur, et où une petite voix au fond de moi m’encourageait en me disant : « Bats-toi ! N’abandonne jamais ! » Je raconterai à ma fille que j’en ai gagné, des compétitions – et même les JO ! –, et qu’à ma joie de gagner se mêlait à chaque fois la sensation d’honneur d’avoir eu la chance de me battre contre des adversaires extraordinaires. Ces moments magiques où nous nous serrons dans les bras à la fin d’un combat, je ne les oublierai jamais. Une victoire pour l’une, une défaite pour l’autre, animées quoi qu’il arrive par le respect et la dignité.

Quand je lui parle, alors qu’elle est encore dans mon ventre, je dis à ma fille : « Ne doute pas. Crois en toi, car elle est là, la clé ! Et travaille, échoue, recommence, et persévère. Tout te sera alors possible. Ne laisse personne te faire croire que tu es moins forte sous prétexte que tu es une fille ! Tu devras peut-être te battre deux fois plus car, nous, les filles, on nous demande plus de faire nos preuves que les garçons… Mais tous verront ce dont tu es capable ! Et en attendant que tu prennes ma relève, je fais de mon mieux pour que l’égalité entre hommes et femmes progresse.

J’ai déjà choisi ton prénom, ma fille, et ce n’est pas par hasard que tu porteras le nom d’une battante. C’est ce mot, « battante », qu’a choisi le médecin pour me décrire, quand je suis sortie du coma quand j’étais bébé. S’il avait su que cette battante rejoindrait à l’âge de neuf ans son premier club de judo, et ne s’arrêterait plus jamais, jusqu’à remporter deux médailles d’or aux Jeux olympiques, il se serait probablement dit que le mot était particulièrement bien choisi !

J’ai tellement hâte de te rencontrer, et je t’aime déjà si fort, ma petite Athéna.

ÉPILOGUE

Clarisse Agbégnénou est née le 25 octobre 1992 à Rennes. C’est une judokate française et féministe. Née prématurée, elle a connu un début de vie difficile : opération d’un rein, puis coma pendant une semaine. En 2021, elle a gagné deux médailles d’or aux Jeux olympiques de Tokyo, devenant ainsi la septième athlète de judo français à avoir remporté tous les titres majeurs. Elle avait annoncé sa grossesse le 7 février 2022.