Tu as pu découvrir dans le numéro de décembre le récit gagnant de l’édition 2023 du concours Mots d’elles : le texte de Alice, consacré à Dian Fossey. Il y a deux autres gagnantes, dont tu vas pouvoir lire les textes sur Juliemag.

Voici le récit de Léane, 14 ans, autrice du texte sur Coco Chanel, « Le jour où j’ai conquis Deauville »

 Léane pratique : la flûte traversière.

Aime : écrire, lire (fantastique, SF, policier), écouter de la musique.

Plus tard… elle hésite entre écrire et faire de l’informatique !

« J’ai vu l’annonce du concours sur le site Juliemag.com. J’ai aimé le sujet (les femmes engagées) et j’adore écrire ! Un de mes textes a déjà été publié par l’association Le Don des mots, en faveur du Téléthon. Pour me renseigner sur Coco Chanel, j’ai lu une biographie et regardé un film pour mieux cerner son caractère. Je l’ai choisie car elle a travaillé dans la mode et elle a libéré le corps des femmes. J’ai mis du temps à trouver l’inspiration… Et un jour, elle est un peu trop venue : mes parents m’ont conseillé pour raccourcir le texte. Je suis super heureuse d’avoir gagné et de recevoir Julie tous les mois ! »

« Le jour où j’ai conquis Deauville »

Je recule légèrement pour contempler la boutique. Ses stores rayés évoquent une marinière, rappelant le côté maritime de Deauville et les transats sur lesquels je prends plaisir à m’allonger. Boy a vraiment bien choisi. C’est l’endroit parfait pour s’installer, au milieu des hôtels et immeubles luxueux. Et elle est à l’image de mes collections, simple et jolie à la fois.

Elle ouvrira demain et, j’espère, attirera foule. J’ai bien vu que mes tenues attiraient l’attention et même parfois l’admiration chez certaines, mais il y a une différence entre aimer des vêtements et les porter. Ces dames restent dans leurs rôles de femmes modèles, moulées dans des robes inconfortables juste pour le plaisir de ces messieurs. Des robes aux coloris trop bruts, qui les réduisent à une poupée grandeur nature, toute en formes. Et ça, la place prise par les hommes dans notre façon de nous habiller, c’est ce contre quoi je proteste à travers mes collections. Je propose des couleurs simples, douces pour le regard de celles qui les portent ; des tissus faciles à porter pour que les femmes s’y sentent à l’aise.

Je réarrange quelques détails avant l’ouverture, replace une robe sur un mannequin et range les ciseaux dans le tiroir, à côté des multiples aiguilles et épingles. Aucun vêtement n’est parfait dès le départ, il faut toujours effectuer des retouches, recintrer, recouper jusqu’à ce que la cliente soit satisfaite, ce qui est l’objectif. Ma boutique Chanel Modes, à Paris, est devenue très populaire auprès de la haute société mais qu’en sera-t-il ici ? Je le saurai dans peu de temps. Un dernier coup d’œil au miroir, vérifiant que ma petite robe noire me met toujours autant en valeur et j’ouvre la porte de la boutique. Je jette un regard dans la rue : quelques femmes sont là, c’est un bon début ! Elles s’empressent de me saluer et d’entrer. En silence, elles observent mes créations, prenant et reposant. Au bout d’un moment, une dame vient me voir :

« – Bonjour, je vous ai vue ces derniers jours, en ville. J’ai remarqué que vous portiez un magnifique ensemble marinière. Serait-il disponible à la vente ?

– Oui bien sûr ! je m’empresse de répondre, suivez-moi ! »

Je la guide jusqu’à mon atelier où l’ensemble attend sur le plan de travail. Pour pouvoir l’essayer, elle me demande de l’aide pour enlever sa robe. Voilà encore un défaut de ces robes, on est même dépendantes pour les enlever. Elle enfile ensuite l’ensemble et, avant qu’elle ne réagisse, je rectifie avec une épingle le col qui bâille. Elle s’exclame :

« – C’est magnifique ! Et c’est tellement simple à porter ! Vous les faites vous-mêmes ?

– Ce sont mes créations, mais j’ai quelques couturières qui m’aident à les confectionner ; je ne suis pas la seule responsable que cet ensemble arrive jusqu’à vous.

– Quelle modestie ! C’est rare chez des jeunes femmes assez influentes comme vous. En parlant d’âge, ne trouvez-vous pas que cet ensemble me vieillit ? J’ai 45 ans, c’est énorme, se plaint-elle.

– Il vous va à ravir. Personne n’est jeune après 40 ans, mais on peut être irrésistible à tout âge et c’est votre cas. »

Je la raccompagne jusqu’à la caisse. Elle repart, toute contente de son achat, et je la regarde, moi aussi toute contente de son achat. L’avenir de cette boutique commence bien.

ÉPILOGUE

Gabrielle Chanel, surnommée par la suite Coco, a vécu du 19 août 1883 au 10 janvier 1971. Abandonnée par son père, elle se retrouve comme orpheline, mais loin de l’empêcher de réussir, cela renforce son caractère persévérant. Elle est une grande figure de la mode, mais elle a aussi défendu le fait que les femmes ont le total pouvoir sur leur corps, leur manière de s’habiller et leur attitude face aux hommes. Elle refusait également que ce soient toujours les hommes qui jugent la beauté des femmes, elle-même n’étant pas « conforme » aux critères de beauté de l’époque. Elle reste à jamais le symbole de l’élégance et de la mode.