Tu as pu découvrir dans le numéro de décembre le récit gagnant de l’édition 2023 du concours Mots d’elles : le texte de Alice, consacré à Dian Fossey. Il y a deux autres gagnantes, dont tu vas pouvoir lire les textes sur Juliemag.

Voici le récit de Lucille, 13 ans, autrice du texte sur Serena Williams : « Je suis revenue à Indian Wells »

Lucille pratique : l’athlétisme (le 1000m !) et le piano.

Aime : lire, écrire, faire du vélo.

Plus tard… elle se verrait bien écrivaine ou rédactrice en chef d’un magazine !

« Cette année, je voulais vraiment faire ce concours parce que j’adore écrire. J’ai fait des recherches sur les 3 femmes, mais Serena est sportive, mon père fait du tennis et j’ai aimé ce pour quoi elle se battait ! J’ai fait mes recherches au CDI, à la bibliothèque, j’ai regardé des vidéos sur Internet… J’ai tout lu, et puis, j’ai écrit mon texte en un jour ! Puis, j’ai fait des changements, mon père, mes amis et ma prof de français ont relu. Toute ma famille a lu le mail de la rédac avant moi et ils m’ont dit « on a une super nouvelle ! » Je n’y croyais pas : il y avait tellement de candidats. »

« Le jour où je suis revenue à Indian Wells »

« Mesdames et messieurs, merci d’applaudir la Numéro 1 mondiale, Serena… Williams !!!! » C’est un grand jour pour moi. Un moment particulier. C’est aujourd’hui que je reviens à Indian Wells. Aujourd’hui, je tourne la page, je suis forte, je vais jouer au tennis ! En entrant sur le terrain Indian Wells Tennis Garden, je sens toutes sortes d’émotions contradictoires m’envahir. Mais la plus forte, c’est la joie intense, immense, d’avoir fait avancer les choses.

Lorsque je salue la foule d’une main, je ressens un profond soulagement face aux acclamations des spectateurs, et je me souviens de ce qui m’est arrivé quelques années plus tôt, en 2001. Venus, ma sœur chérie, devait jouer contre moi en demi-finale et avait dû déclarer un forfait dû à une tendinite au genou. J’étais donc destinée à aller en finale. Mon désir de gagner était fort, j’étais déterminée, je voulais gagner pour Venus.

Mais le match ne s’est pas du tout passé comme prévu… Quel choc lorsque je suis entrée sur le terrain, lors de ma rencontre contre Kim Clijsters ! Je me souviens… On m’insultait, me huait, m’injuriait, les mots me percutaient, c’était douloureux et injuste. Je fais encore des cauchemars concernant les propos acérés qui ont tenté de briser ma confiance en moi, ce 17 mars 2001. J’avais ressenti un grand étonnement, une intense stupéfaction : comment autant de violence était possible ? Les spectateurs se réjouissaient à chacune de mes erreurs : j’avais envie de pleurer, de tout abandonner. J’étais venue pour recevoir leurs encouragements plutôt que leurs sifflets. Voilà ce qui s’est passé : les spectateurs nous ont accusés, mon père, Venus et moi, de truquer nos matchs. Ces accusations portent un nom : le racisme.

C’est à la misogynoir, mélange de racisme et de sexisme envers les femmes noires, que j’ai fait face il y a quatorze ans, sur ce terrain, lors du tournoi d’Indian Wells. Je ne voulais plus gagner, lors du premier set, je ne jouais pas. Mais je me suis reprise au deuxième : je devais me montrer forte, prouver au monde que je réussirais, qu’une femme noire était égale aux autres. C’est à ce moment-là, lors de cette rencontre si particulière, que je me suis rendue compte de l’ampleur de l’inégalité contre laquelle je lutte encore.

Même si j’avais perdu le plus grand match de ma vie, le combat contre le racisme, le combat pour l’égalité, je devais continuer ma lutte pour prouver au monde que j’ai autant de valeur qu’un ou qu’une autre. Depuis toujours, je me bats pour faire avancer les choses, pour partager les valeurs morales que mes parents m’ont inculquées, pour conserver mon intégrité. Je me bats pour forger un monde sans racisme, un monde plus juste et égalitaire.

A la fin de la rencontre contre Kim Clijsters, je me sentais trahie, blessée, en colère, par les spectateurs et pour mon père, qui a passé sa vie à faire de Venus et moi deux championnes incontestées, à nous préparer pour cette merveilleuse aventure. J’ai passé des heures à pleurer après la victoire, à pleurer pour toute cette violence à laquelle j’avais dû faire face. Pendant que toutes ces pensées repassent en flash dans mon esprit, en traversant ce terrain qui m’a rejetée il y a des années, je me dis que j’ai eu raison de revenir.

Je suis de retour car les choses ont changé. Après le cauchemar de 2001, j’avais dit que mon départ était définitif, que je ne reviendrais plus jamais à Indian Wells. Mais mon désir de prouver l’égalité entre tous et toutes a été plus forte : j’ai donc lutté pendant longtemps pour savoir si je devais rejouer ici. J’avais peur de revivre ce cauchemar, mais maintenant que les choses ont évolué, je suis de retour à Indian Wells. Et depuis que j’ai moins de choses à prouver, je suis plus sereine : tout le monde sait désormais qui je suis, et pour quelles causes je me bats.

Tandis que je me prépare, sous les acclamations du public, je suis fière de moi, de l’avancée du monde du tennis, je suis heureuse d’être revenue, je sais que j’ai fait le bon choix. Je joue par amour du jeu et avec l’envie de prouver au monde combien tous les humains sont égaux, et c’est cet amour qui me fait avancer chaque jour.

EPILOGUE

Serena Williams a été une tenniswoman unique et légendaire qui a prouvé à tous qu’une petite fille noire venant de quartiers pauvres était égale aux autres. Elle a fait avancer le monde du tennis, grâce à ses services puissants et ses tenues flamboyantes, mais elle s’est également servie de sa notoriété pour s’engager dans des combats qui lui étaient chers, telles les luttes contre le racisme et le sexisme, ou pour ouvrir des partenariats tel celui qu’elle entreprend avec le magazine de mode Vogue. En 2022, elle a pris sa retraite sportive pour mieux se consacrer à ses engagements et à l’éducation de sa fille, Olympia.